Une histoire à hauteur d’hommes

Jacques Tardi et Dominique Grange étaient de passage à Strasbourg pour présenter, à la Librairie Kléber, un “livre disque” intitulé Des Lendemains qui saignent. Rencontre avec le créateur d’Adèle Blanc-Sec.

5219_TARDI Depuis des années maintenant, Tardi explore les champs de bataille de la première guerre mondiale. Déjà, il y a bien longtemps, il se souvient « avoir présenté des planches à Goscinny chez Pilote mais à l’époque il était malvenu de parler ainsi des anciens combattants ». Il laisse tomber l’affaire. Provisoirement, puisqu’il commence très rapidement à « accumuler une importante documentation ». Les origines de cette “fixette” pour “la Der des ders” ? Tardi en a marre de répondre à une question qu’on lui a sans doute posée plus de 1918 fois. Une histoire familiale, évidemment. Comme pour beaucoup d’entre-nous. Mais aussi une évidence historique : « La deuxième guerre mondiale a débuté avec le Traité de Versailles. Le monde que nous connaissons aujourd’hui – avec ses conflits et ses tensions – est ainsi aussi une conséquence du premier conflit mondial. » Tardi, lui, a voulu prendre la guerre à hauteur de poilu. Du Trou d’obus à Putain de guerre en passant par C'était la guerre des tranchées, il nous livre sa vision du conflit en essayant « de montrer le quotidien des types de 18 ou 20 ans qu’ont été les poilus. On a tendance à oublier cette jeunesse, à imaginer des vieillards ridés remplis de médailles. Et aujourd’hui, le dernier d’entre eux s’est éteint… » Dans cette trajectoire artistique, Des Lendemains qui saignent – réalisé avec sa compagne, la chanteuse Dominique Grange et son complice de toujours, l’historien Jean-Pierre Verney – a une place particulière. Le “livre disque” regroupe dix chansons revendicatives, protestataires et antimilitaristes. Certaines sont d’époque (dont la très émouvante Chanson de Craonne), d’autres on été composées pour l’occasion par Dominique Grange dans un esprit pacifiste. Elles forment une “contre histoire” venant réhabiliter le « pauvre type qui crevait dans sa tranchée ou le fusillé pour l’exemple » rappelant au “lecteur auditeur” que si l’on était parti la fleur au fusil en août 14, les lendemains ont vite déchanté au cœur de la mitraille, puis saigné sous une pluie de shrapnels…

Texte : Hervé Lévy
Photo : Stéphane Louis

Paru chez Casterman (19 €)
www.casterman.com

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