Faire Avec _ Maillon-Wacken
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Métamorphoses
Le carton d’invitation – déchiré avant d’être scotché puis envoyé par la poste – du vernissage de l’exposition ressemble à un résumé de son essence : faire avec rassemble six artistes qui s’approprient le monde en métamorphosant des objets.
Ils sont six. Un peu comme les compagnons de la Bibliothèque Verte.
Gérald Wagner prend des tables de nuit – meuble de l’intime par excellence – et la gravure qu’il appose, loin d’être intrusive, vient rappeler quelques moments – simples et sauvés – de l’existence. Roland Görgen narre des fables, avec, pour point de départ le panneau signalétique “Attention cerf”, tandis que Laurence Demaison explore les possibilités de personnalités multiples… Également présents, Marta Caradec et ses obsessions du zéro et du O (chiffre et lettre qu’elle entoure scrupuleusement) et le photographe Patrick Bailly-Maitre-Grand, qu’on ne présente plus.
Le sixième larron est Hervé Bohnert que l’on avait découvert à la Galerie No Smoking (puis, sur son stand à St’Art) qui crée des vanités très contemporaines avec des matériaux du passé, photos sépia ou statues de marbre et de bois. Il gratte la surface de l’image et, soudain, sous le visage riant d’une communiante ou les traits heureux d’un couple de mariés apparaissent des os, des crânes décharnés, des coulures de sang. Contours fantomatiques. Cette famille qui pose, appliquée, pour un photographe dans un salon bourgeois du début du XXe siècle se transforme en assemblée de spectres. L’artiste réussit ainsi à matérialiser notre part obscure – cette mort inéluctable, tapie en chacun de nous – et à faire revivre des clichés anonymes… puisque ces modèles sont aujourd’hui tous (ou presque) dans une tombe. Tas d’ossements. Oubliés. Photos achetées dans des brocantes. Sans doute balancées par des héritiers qui s’en moquent.
Hervé Bohnert leur redonne paradoxalement une vie : ces squelettes qui nous regardent forment une Danse macabre… étonnamment vivante. Baudelaire évidemment :
« En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire
En tes contorsions, risible Humanité,
Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,
Mêle son ironie à ton insanité ! »
Hervé Bohnert procède de même avec des statues. Formidable Janus. À gauche, un visage de pierre blanche. Jeune fille à la diaphane pureté. À droite, un crane décharné. Il y avait décidément longtemps qu’un artiste n’avait pas revivifié avec brio le thème de la vanité.
Texte et photos : Geoffroy Krempp
Au Maillon-Wacken, jusqu’au 31 mars
03 88 27 61 81
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